Nouvelle horrifique : La berceuse des morts

Note de l’auteur : Voici une nouvelle rédigée en 1h30 pendant laquelle je surveillais une épreuve du brevet 2018. J’étais dans la salle d’une collègue de français qui avait laissé des nouvelles horrifiques rédigées par ses élèves de 4e, cela m’a donc inspiré pour en écrire une à mon tour 🙂 Bonne lecture !

BLACK05

Poussant un soupir, j’observais les alentours avec une certaine nostalgie. Le manoir n’était plus ce qu’il était dans mon enfance. Autrefois éclatant, s’imposant fièrement au milieu d’une mer de fleurs et d’arbres verdoyants, il n’était aujourd’hui qu’un pâle reflet de mes souvenirs. Fatigué, il luttait contre les herbes hautes qui grimpaient autour de lui. Le bleu azur de ses façades était devenu terne et craquelé. Les fenêtres autrefois scintillantes de propreté étaient désormais habillées d’une fine poussière grise.

Ma grand-mère était décédée hier au petit matin, aussi revenais-je en ces lieux après plusieurs années d’abandon. Enfant, cet endroit m’avait semblé le plus merveilleux au monde, mais à la mort de mon grand-père, la matriarche de la famille était devenue une vieille femme aigrie et sénile. Comme si toute joie de vivre en elle avait disparue en même temps que mon grand-père, l’accompagnant dans la tombe.

La lourde porte grinça et je pénétrai dans le grand hall. Aussitôt, je grimaçais. L’endroit était poussiéreux et une odeur de renfermé venaient désagréablement chatouiller mes narines. Poussières et saletés siégeaient en ces lieux.

– Mademoiselle Martin, bonjour !

La voix du notaire me fit sursauter et je levai la tête afin de l’observer descendre les escaliers d’un pas rapide.

– Bonjour, répondis-je.

– J’ai fait un tour de la propriété, cette bâtisse a de nombreuses qualités.

Il regarda entour de lui en fronçant les sourcils.

– Dommage que votre aïeule ne l’ait pas entretenue plus convenablement.

Je souhaitai dire un mot, mais il ne m’en laissa pas le temps.

– Cette pauvre femme avait perdu la tête. Saviez-vous qu’avant de nous quitter, elle n’a cessé de délirer sur une femme et des enfants squattant la maison ? Et elle passait son temps à chanter cette berceuse lugubre… Brrrr !

Il frissonna.

– Enfin, passons. Vous allez rester seule ici jusqu’à la mise en terre ?

Je secouai la tête.

– Du tout. Le reste de ma famille arrive demain.

– Hum… Passez seule votre nuit dans cet endroit lugubre, je compatis ! Tenez, voici les clés. Je dois vous laisser, j’ai rendez-vous ailleurs.

Je le remerciai et il me laissa seule. En repensant aux mots du notaire concernant les élucubrations de ma grand-père, mon corps fut pris d’un frisson. Suffocant tout à coup à l’intérieur, je me décidai à sortir afin de profiter des derniers rayons du soleil.

Une fois dehors, c’est avec délectation que j’accueillais la chaleur sur ma peau. Levant les yeux au ciel, j’observai une fois de plus le manoir. Soudainement, mes membres se glacèrent. Là-haut, à la fenêtre mansardée, une silhouette venait d’apparaître. Il s’agissait d’une femme entre deux âges vêtue de noir. Elle ne ressemblait en rien à ma grand-mère, quand bien même, celle-ci était morte. L’ombre restait statique, semblant me fixer. Aussitôt, prise d’un courage inattendu, je m’élançai à l’intérieur, montant les escaliers quatre à quatre. Qui était-ce ? L’assistante du notaire ? Il ne m’avait pas parlé de quelqu’un d’autre ! Si mes souvenirs étaient intacts, elle se trouvait dans la chambre des enfants. Une vaste pièce aménagée par mes grands-parents où nous, petits-enfants, adorions séjourner à l’époque. Mon cœur battait la chamade.

– Qui est là ? Lançai-je d’une voix rauque.

Mais en entrant dans la pièce, je ne trouvai rien. Je regardai autour de moi, l’esprit confus. La chambre était toujours la même, le papier peint crème avait légèrement jaunit. Six petits lits étaient alignés contre les murs. Je m’avançai vers la fenêtre où s’était tenue la femme et observai au dehors. Je cessai immédiatement de respirer. Elle était là, en bas dans le jardin, la tête levée dans ma direction au même endroit que moi il y avait de cela quelques minutes. Ses lèvres étaient pincées, son visage froid et dur. Alors que je l’observais, les yeux exorbités, j’entendis des chuchotements dans mon dos. Des voix d’enfants chantant une berceuse.

Lent, lent sont ses pas

quand elle arrive vers toi

Vite, vite cache toi,

dans la baignoire elle te noie…

Trois paires de yeux brillants m’observaient de sous un des lits. Trois visages poupons cadavériques en sortirent et l’un des enfants s’écria : « chut ! La voilà !». Les spectres disparurent. Je poussai un hurlement et courrai vers la porte lorsque la dame en noir apparut devant moi, flottant au dessus du sol. Les hurlements des enfants résonnèrent plus fort « la voilà ! La voilà ! ». Je m’évanouis.

Je m’éveillai installée dans un lit, mon cousin veillant sur un sofa près de la fenêtre et bouquinant.

– Alex ? Dis-je d’une voix pâteuse.

– Hello cousine, répondit-il en se retournant.

– Qu’est-ce qui s’est passé ?

Il secoua la tête et haussa les épaules.

– On t’a trouvée inconsciente ce matin en arrivant. Tu te sens mieux ?

Je me redressai difficilement, encore groggy.

– Où sont les autres ?

– En bas, ils font du rangement. C’est fou comme mamie a laissé cette maison se détériorer. Mais tu sais pas quoi ? On a fait des recherches sur la maison pour la vente et il y a une sacrée histoire.

Il marqua une pause.

– Il y a eu un meurtre dans cette maison. Ou plutôt des meurtres. Une femme à la fin des années 1800 a noyé ses trois fils dans la baignoire avant de se pendre dans la chambre du haut. Tu sais, celle où on dormait petits.

Je me sentis défaillir à nouveau.

– Ils se sont bien gardés de nous le dire ! S’exclama mon cousin. Enfin, seule dans une maison comme ça, tu m’étonnes que mamie ait fini par perdre la boule… Je te laisse, je vais voir où en sont les autres.

Et tandis que je me retrouvai seule, un frisson me parcouru. La chair de poule envahit mon corps entier tandis que résonnait depuis le couloir ce chant. Cette berceuse des morts qui me hanterait indéfiniment…

Vite vite cache toi,

ou dans la baignoire elle te noiera…

Coralie DARCY

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