Je suis grosse

Aujourd’hui au réveil, je me suis prise une grosse claque. En regardant mes notifications facebook, je me suis plongée au cœur de mes souvenirs et de mes vacances en Indonésie avec ma famille. A cette époque là, je me trouvais grosse et on me disait que j’étais grosse. Pourtant, je contemple les photographies aujourd’hui et je me rends compte que je n’étais pas aussi grosse que je le pensais ou que l’on voulait me le faire penser. Ok, j’étais une fille avec des formes, un peu de graisse par ci par là, mais de là à me qualifier de grosse, quand même ! Et pourtant, je n’étais pas satisfaite. Au moment de ces photographies, je rentrais de dix mois en Erasmus en Angleterre. Les six premiers mois à l’étranger m’avaient fait prendre cinq kilogrammes et je m’étais évertuée les quatre derniers mois à tout perdre en pratiquant de la fitness tous les jours. Sur ces images, vous voyez les résultats de mon labeur même si je n’avais pas perdu ces cinq kilos en trop, j’étais parvenue à me tonifier considérablement. Et malgré cela, malgré ce constat indéniable, je n’en étais pas contente et mon entourage non plus.

 

Maintenant devant mon ordinateur, je fais huit kilogrammes de plus que cette femme d’il y a cinq ans et je me dis que j’étais belle, que j’avais de la chance et que j’étais vraiment conne de ne pas m’en rendre compte. Aujourd’hui, vous le pensez bien, je suis encore moins satisfaite de mon poids et les certains autres non plus. Je me qualifie toujours de grosse et les quelques autres aussi. Pourtant, il y a dix ans, quand je pesais quatorze kilos de moins, je me trouvais toujours grosse… Vous voyez où je veux en venir ? En comptant bien, cela fait au moins seize ans que je ne suis pas heureuse de mon physique, seize ans que je me trouve grosse et qu’on me qualifie de grosse.

Seize années à me pourrir la vie avec ce dilemme, à penser que je suis une incapable et à n’être jamais satisfaite de moi…

On pourrait se dire alors : pourquoi ne pas perdre de poids ? Croyez-moi j’ai essayé. J’en ai même perdu puis repris, puis reperdu et encore repris. Vous voyez, je me balade avec un vice : j’aime manger. Pour moi, la nourriture c’est un plaisir et je suis totalement contre ce dicton qui dit « il faut manger pour vivre et ne pas vivre pour manger ». Quelle phrase ridicule ! Manger, c’est synonyme d’être heureux. C’est quand je me sens bien que je sors au restaurant avec les amis, que j’ai envie de me faire plaisir, que j’organise des soirées ou profite de nouvelles saveurs. Alors je mange et je me fais du bien sans pour autant abuser en continu comme pourraient le penser certains. Mais il est vrai que j’ai grand appétit et mon coup de fourchette est franc. Sans compter les aléas ou bonheurs de la vie qui ont aidé à la prise de poids : se mettre en couple, la prise de la pilule…

Pour compenser, je fais du sport. BEAUCOUP de sport. Cette année j’étais en moyenne à 5h de sport par semaine, alternant badminton, fitness, zumba et gainage. Et si je ne fais pas trente minutes minimum par jour, je culpabilise comme jamais. Alors oui, je fais huit kilos de plus et ça se voit, mais le sport m’a permis de rester tonique. Mes amis me le disent d’ailleurs « regarde, t’as moins de cellulite que moi ! T’as perdu ta peau d’orange ici… » pourtant je ne les écoute pas et je reste scotchée sur cette foutue balance à contempler le nombre qui ne descend pas. Et c’est pareil avec les autres compliments : je n’écoute pas mon petit ami qui me jure que je suis jolie, qui aime mes formes et se moque bien de mes kilos pris. Je me fous du commentaire de mon amie qui me dit que je suis pulpeuse et que malgré les bourrelets qui dépassent je reste belle. Non, je ne garde que les négatifs et passe en boucle dans mon esprit les commentaires désagréables qu’on a pu me faire et le nombre sur la balance. Je veux perdre dix kilos !

Et c’est pour ça que je viens de me prendre une grosse claque dans la figure ce matin, quand une petite voix dans ma tête s’est mise à ricaner. « Tu veux perdre dix kilos ma chérie ? Mais regarde toi là, tu les avais tes dix kilos en moins et tu ne t’aimais pas ! ». Et je sais que si je faisais défiler plus loin, la petite voix continuerait à susurrer « moins quinze kilos ici, tu n’as jamais été si mince. Tu t’aimais ? Et non, pauvre conne ! ». Je me rends compte que ce combat, je ne le gagnerais jamais. Car j’aurais beau perdre du poids, je ne serai jamais satisfaite de mon apparence (ces dernières années le prouvent). Et même, si je perdais miraculeusement vingt kilogrammes, ce ne serait pas sans sacrifices et l’abandon d’une des choses les plus plaisantes dans ma vie : la nourriture. Certes, peut-être pourrai-je faire des selfies à tire larigot montrant ma taille 36, mais derrière je ne serai que frustration, car comptant toujours les calories et ne profitant pas de la vie comme je l’aime. Je sais que je serai malheureuse.

Et pourtant, aujourd’hui aussi je suis malheureuse. J’en viens à fantasmer sur les XVIIIe et XIXe siècle où la femme pulpeuse était plus qu’appréciée. Non mais vous vous rendez compte ? Qui peut rêver vivre dans deux siècles où les libertés féminines étaient encore plus décriées qu’aujourd’hui ?! Si je rencontrais le génie, je lui demanderais de pouvoir manger sans grossir, parce que je crois que le bonheur ne se résume qu’à ça. Quand je tiens la planche pendant deux minutes trente non stop en cours de fitness et que la jeune femme à côté de moi abandonne au bout de trente secondes alors qu’elle fait une taille 34, je m’écris intérieurement « tu ne mérites pas ton corps ! Poufiasse ! » sans même penser à me féliciter pour mon mental et mon travail.

Et je sais pertinemment que les compliments que j’écouterais, ce seront ceux où on me dira « tu as maigri, bravo » alors que cette perte de poids pourra très bien être associée à un malheur dans ma vie comme une rupture, une dépression ou une maladie. Mais personne ne me complimentera sur une prise de poids même si celle-ci est synonyme d’une vie épanouie. La société d’aujourd’hui est terrible sur ce point. La minceur (pas la maigreur attention) est dépeinte aujourd’hui comme une vitrine du bien être et les kilogrammes en trop comme un relâchement. Alors que cela peut être totalement le contraire. Et le pire est que cette idée reste ancrée dans ma tête alors que je suis une preuve du contraire. Je suis ronde, mais en forme. Sportive, souriante et toujours prête pour l’aventure. Et je trouve moi-même des femmes de mon entourage rondes très jolies, très désirables, mais je garde envers moi une dureté que je n’ai pas pour les autres… Bref, je ne sais pas trop si cet article parlera à certains d’entre vous et il ne m’aidera pas pour autant à arrêter cette voix dans ma tête qui me dénigre sans arrêt, mais pour quelques minutes, l’écrire m’a fait du bien. Au final, ce n’est pas tellement les kilos en trop qui me rendent malheureuses, mais l’image que j’ai de moi depuis de nombreuses années. Un travail est donc à faire là-dessus et je commence déjà ici : Coralie, tu es ce que tu es et je suis fière de toi. Et kilogrammes en moins ou pas, à moi de continuer à rester fière, ce n’est qu’en m’acceptant moi-même que je serai pleinement heureuse (et peut-être perdrais-je du poids plus facilement à ce moment là (et oui, ça reste toujours dans ma tête!))

Moi aujourd’hui pour le jeu des différences ! 😉

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